Mon premier boulot était chargé de projet dans un cabinet d’étude thermique et fluide. Je produisais des calculs thermiques dans tous les sens pour tout type de bâtiment, et tout type de client. Du calcul réglementaire dans le neuf, dans l’existant, mais aussi du management haute qualité environnemental (HQE), du label BBC. Bref, tout ce qui peut se faire en matière de conception énergétique réglementaire sur les bâtiments. Depuis la fin de mon cursus universitaire, j’avais un penchant sur le principe de la maison passive (au sens Passiv Haus ou PHI). J’y reviens aujourd’hui.
Sept ans ont passé, un CDI, une place bien au chaud, un bureau avec vu sur la rade de Brest… Je restais persuadé qu’il était possible de faire autrement que ces aller-retours quotidiens cadencés à 40h par semaine. Je ne comprenais pas pourquoi j’arrivais à me dégager du temps en travaillant vite et bien. Mais bloqué devant mon ordinateur, ce temps que j’avais libéré ne pouvait me servir qu’à mon esprit. En effet, dans le milieu de l’énergétique des bâtiments, il y a un temps de veille important, soit pour la recherche de nouvelles méthodes, la compréhension des différents paramètres, la réalisation de processus ou tout simplement pour l’observation des événements.
Et puis rien va trop vite pour un employeur, au contraire, on me donnait toujours plus de dossier et donc de moins en moins de temps pour les traiter. Pour moi, petit employé avec ce premier travail, et voyant les chiffres défiler sous mes yeux. Je sentais très bien qu’il y avait quelque chose qui ne collait pas avec la manière que j’avais de vivre.
Travailler mieux, faire un pas de côté
Sur le moment, difficile de faire la part des choses, voire même impossible de changer l’entreprise de l’intérieur. Ça, je l’avais bien compris. Lorsqu’on trouve un emploi, en général, on ne choisit pas qui nous embauche. On reste heureux d’avoir un travail. Cependant, impossible de connaître à l’avance la personnalité ou les ambitions de ses collègues et de ses responsables. Il faut tester, expérimenter pour le savoir.
Bout à bout, ça reste très délicat d’agir, car vous êtes contraint par la hiérarchie. Or ce que vous connaissez des échanges ou des liens entre individus restent profondément imbriqués par rapport à ce que vous avez déjà vécu. Donc si vous retrouvez des discordances, c’est tout à fait normal, car dans ce monde, il est impossible de mettre tout le monde d’accord. L’économie ne prend pas encore en compte la sensibilité des gens, c’est tout.
Et ce dont j’étais certain, c’est que je ne me voyais pas du tout passer 40 ans à la même place. Faire moins, mais plus qualitatif. C’est ce que tout le monde pense aujourd’hui. Lorsqu’on raisonne comme ça, le temps peut tout à fait être une source désaccord majeur puisqu’il est personnel, qu’il ne dépend que du contexte dans lequel il est posé.
Souvent, un premier job, c’est pour se faire un peu la main. Inexpérimenté et sortant de l’école, on ne peux que prendre de l’expérience vis à vis de ce qu’on nous à enseigner, comparer comment ça se passe en vrai sur le terrain. Et puis cette tendance à la réduction des consommations nous force à comprendre. J’avais toujours en tête, ce concept de maison passive. En effet, mon maître de stage de fin d’étude était un formateur passionné, il m’a donné le goût du pont thermique, et de voir des watts sortir à chaque singularité. Je le remercie chaleureusement.
J’ai demandé à me former, sans succès. Alors, j’ai fait une rupture conventionnelle. Puis, je me suis formé tout seul, et avec l’aide de Pole emploi.
Une formation de l’esprit
La conseillère n’avait jamais vu ce genre de formation, elle m’a dit que j’étais visionnaire. Je lui ai souri naïvement.
Pour être franc, être diplômé CEPH (Concepteur Européen Passiv Haus) ne ma jamais rapporté un centime. La majorité des gens ne comprennent pas comment fonctionne un bâtiment de ce genre. Ce n’est pas pour rien que la formation est dense, qu’il y a un examen type universitaire pour valider les acquis. Alors expliquer en quelques lignes le fonctionnement d’un tel ouvrage n’est pas vraiment objectif. Souvent, pour apprendre quelque chose, il est nécessaire de les répéter.
Tout est extrêmement optimisé pour que cela fonctionne. Mais vous ne respecter pas un seul des paramètres de la norme PHI et votre bâtiment n’est plus passif house. L’objectif est donc la prescription.
En deux mots, ce concept réside dans le fait qu’il est plus simple de maintenir une consigne de chauffage élevé plutôt que de faire une relance quotidienne. Il faut avouer que c’est un principe formidable, mais qui n’a de sens si les usagers savent comment ça fonctionne et surtout comment l’utiliser.
Je reste persuadé que dans un volume totalement isolé de l’extérieur, il y a des phénomènes qui doivent être maîtrisés. Si l’on suppose que ça fonctionne tout seul sans intervention humaine, alors le risque de laisser certains éléments à la dérive est bien présent.
J’ai tendance à dire que ça ne marche pas simplement en allumant la VMC double flux. Il s’agit d’un véritable microclimat intérieur et totalement indépendant. Alors, il est nécessaire de le gérer et cela ne peut pas se faire sans un pilote : l’humain qui vit à l’intérieur.
Pas 19, ni 21, mais 20°C
Si vous êtes consciencieux de vos économies d’énergies, il y a des paramètres à assimiler finement afin d’éviter certaines divergences. Des mesures à faire, une gestion des ouvertures, brises soleils ou autres composants passifs qu’aucun système de régulation automatisé ne peut remplacer. Lorsqu’il n’y a personne dans un local, on ne se pose pas la question de la satisfaction de l’ambiance, on s’en fiche. Mais lorsqu’il est occupé, utilisé, alors c’est une autre histoire, et cela prend tout son sens.
Et puisqu’il s’agit de satisfaction individuelle, elle est liée à la personne, le système en place n’a donc rien à voir là-dedans. Ce n’est pas le bâtiment qu’il faut satisfaire, c’est l’humain qui a le dernier mot. Alors autant qu’il ouvre les bonnes portes.
Ceux qui conçoivent et comprennent comment fonctionne une maison passive savent très bien qu’il s’agit d’une consigne constante et uniforme dans toutes les pièces. Pourtant, lorsque je parle de maison passive à des clients, ils sont tous persuadés que ça fonctionne sans chauffage.
Et non, si vous ne chauffez pas une maison passive, elle fait comme les autres bâtiments, elle tombe à 4 °C en hiver. Certes, la puissance de chauffage est tellement ridicule (de l’ordre de 10W/m²) que la sensibilité de l’ambiance intérieure dépend très fortement des conditions qu’elle subit.
Si vous chauffez moins, ce n’est pas optimal pour le fonctionnement d’une maison passive, si vous chauffez plus cela demandera une surconsommation par rapport à ce qui a été prévue en conception. Cette surconsommation n’est pas du tout liée à la technologie puisqu’il est tout à fait possible d’indiquer à la batterie de chauffage de souffler plus fort, rien ne l’interdit. Les systèmes techniques nous apportent seulement ce que nous leur demandons de faire, ni plus ni moins.
Une dépendance au concept
20°C est donc une limite d’ambiance thermique de la conception d’ouvrages qui, si elle est dépassée, vous demandera de vous interroger sur votre confort. Cela, car il n’est pas possible de passer au-delà sans dépenses énergétiques complémentaires. Il faut le savoir.
Il est pourtant très courant aujourd’hui de retrouver des températures bien supérieures dans les locaux, notamment dans les bâtiments de bureaux. Même si nos constructions françaises ne sont probablement pas au niveau du standard Allemand.
Si vous avez froid dans 21°C, ce n’est donc pas simplement une question de technique. Et de nombreuses explications peuvent expliquer comment vous en arrivez à vivre certaines sensations.
Le concept bien gardée
Pour fonctionner, une maison passive est un concentré de technologie qui est étudiée de manière statique dans les calculs. C’est principalement pour cela qu’un outil a été développé au sein du Passiv haus institute : le PHPP. Comme c’est un standard, il s’agit d’un simple tableur, étudiant les différentes configurations possibles.
Il y a notamment deux situations principales pour le dimensionnement. Elles sont issues de simples observations météorologiques. Le temps peut être clair, sec et frai, ou bien, il peut être couvert, plus lourd, et plus doux. Cela, peut importe ou l’on se trouve sur la planète.
Le standard recommande une double vérification. La labellisation vous certifie en effet un projet bien conçut, car il n’est pas impossible de faire des erreurs. Même pour un thermicien expérimenté, il reste humain alors un avis supplémentaire n’est jamais de trop. La double vérification permet donc à un autre expert de valider les principes de conception, de demander des explications ou d’apporter d’autres éléments justificatifs.
Mais, bien souvent, les clients n’ont pas besoin d’un certificat. Ce qu’ils souhaitent par-dessus tout, c’est un projet de vie, et la maison en fait partie. Même si on insiste fortement sur ce point, la mise en œuvre des règles officielles leur passe à travers. Même si on construit pour une période de 50 ans, donnant un surcoût dérisoire à ce genre de démarche. La tierce vérification n’a pas de sens pour le particulier qui ne comprend pas pourquoi on lui demande une vérification supplémentaire. Attaché à sont budget très serré, il n’est pas possible d’imposer une certification.
Un raisonnement sur le besoin utile
Peu de gens le savent, mais dans une maison très isolée type passiv haus, il ne faut pas plus de 25% de fenêtres sur la façade sud. Sinon, le double effet kiss cool se fait sentir : une surconsommation l’hiver et des surchauffes l’été. En effet, même si c’est du triple vitrage (point non-négligeable pour cette norme), la fenêtre présentera toujours un facteur de performance dix fois inférieure par rapport à une paroi opaque isolée. Or, la plupart des gens souhaitant de l’ouverture sur l’extérieur, des grandes baies vitrées dans le séjour…
L’architecture est donc un point extrêmement limité et contraignant dans ces bâtiments. La compacité est une donnée essentielle. Travailler sur des grandes surfaces de locaux pour un couple seul n’a pas vraiment d’intérêt. Si on prend les chiffres de la démarche NégaWatt, il en ressort un objectif de 40 m² de surface habitable par personnes.
La limite du besoin de chauffage de 15kWh/m² est une valeur extrêmement faible pour un bâtiment. Elle fixe un critère de moyen par mètre carré permettant de comparer les bâtiments entre eux. Il ne s’agit pas d’un résultat en valeur absolue atteint pour une certaine consigne établie à l’avance. La flamme d’un poêle est en général bien trop puissante pour chauffer une maison passive. Il faut le savoir avant d’aller voir l’énergéticien, madame risquerait d’être très déçue de ne pas avoir son petit feu d’agrément pour montrer aux invités.
Oui, justement, les invités, parlons-en. Être 8 personnes dans un séjour prévu pour 4 double l’apport calorique, vous faites une simple raclette et hop, vous devez créer un petit courant d’air, sous peine d’avoir trop chaud.
Effectivement, avec l’expérience, nous arrivons maîtriser les phénomènes thermiques au plus fin des besoins. Diable, pourquoi nous nous questionnons encore sur la transition énergétique ?
L’utilité n’est pas la même pour tous
C’est que les conséquences de nos actes sont dynamiques et qu’il n’est pas possible de raisonner autrement que dans un fonctionnement dynamique. Essayez de trouver les résultats du PHPP en passant par l’outil de calcul de simulation thermique dynamique. C’est impossible, les résonnances sont imprévisibles et non-nominale, il est toute fois possible de cadrer ces consommations.
En réalité, les économies d’énergies sont là, mais quel intérêt de construire une maison passive si elle n’est pas chauffée ? Une maison passive au sens PHI doit fonctionner comme le prévoit la norme. Sinon, elle verra forcément émerger des désordres du style : humidité trop importante, apparition de moisissures ou encore une qualité de l’air médiocre. Ça, aucun logiciel ne peut le prévoir, aussi précis soit-il.
Cela passe donc par la maîtrise des contrastes dont peu de gens ont conscience. Il n’y a pas un seul bâtiment, un seul local identique, alors chaque cas, chaque problème présente des situations différentes.
Dans la promo de ma formation, nous avions un ancien menuisier à la retraite qui souhaitait réaliser une maison passive. Il se demandait jusqu’à quelle température nous pouvions descendre dans un bâtiment passif, car lui vivait très bien à 15°C. 20°C ne l’intéressait pas. Cette situation pourrait paraître abjecte, mais lors de réception d’amis, il souhaitait avoir une température convenable. Ça peut tout à fait se comprendre, mais pour l’accepter, faut-il satisfaire un maximum de personne ? Deux choix sont donc possibles :
- la tolérance des invités vis-à-vis des températures fraîches.
- le chauffage des locaux spécifiquement pour cet événement à une température convenable pour les invités.
La deuxième solution entraîne donc une consommation supplémentaire, en général réglée par l’hôte. Dans cette situation, on peut conclure que le respect des économies d’énergies ne rime pas forcément avec la technique, que c’est nécessairement un compromis.