Aveuglé par un logiciel

En général, lorsque je croise quelqu’un, et que je lui explique mon travail, ce que je fais, ce que je propose comme bilan énergétique, que j’étudie le dimensionnement des installations de chauffage, de ventilation, ou de climatisation.

J’ai souvent cette réponse très étonnée, ah bon, tu fais ça, ça existe !

Pourtant, c’est une question d’extrême actualité. Si on tend l’oreille, chaque jour qui passe, les informations nous déballent des grands projets d’investissements d’état liés aux énergies renouvelables : photovoltaïques, pompe à chaleur, éoliennes et autres réacteurs nucléaires… Tout ça pour appuyer la consommation et le fonctionnement d’un système. Soi-disant, il faudrait l’économiser et favoriser la sobriété énergétique.

Alors des fois, les grandes propositions font des flops, car il arrive qu’elle soit soumise à des avis d’experts, qui font ça toute la journée depuis des dizaines d’années et qui vous disent que non, en faisant ça ce ne sera pas possible. Non, ça ne marchera pas comme ça.

Vincent aveuglé

Étudier les consommations énergétiques des bâtiments, quelle idée ? Pourquoi, se casser la tête à décrire les différentes façons d’utiliser les bâtiments ? Les constructions d’aujourd’hui fonctionnent elles mieux que celles d’il y a vingt ou trente ans ?

Le métier de thermicien-énergéticien n’est pas très connu. C’est en général un truc de passionné, de chercheurs obstinés et d’ingénieurs excentriques. C’est un monde un peu fou où les sombres équations mathématiques virevoltent avec des algorithmes et des processus complexes. Il y en a dans tous les sens, des méthodes toutes plus compliqués les unes que les autres. Alors, forcément, comprendre certains fonctionnements l’énergie ne s’applique pas du jour au lendemain.

Une canne blanche pour avancer

Quel est l’intérêt d’annoncer quelque chose, dont vous n’êtes pas certains du résultat. Si vous n’êtes pas convaincu de vos idées, alors vous n’arriverez pas à les instaurer ou à les vendre.

Vous ne le voyez peut-être pas, mais le monde de l’information s’accélère. C’est que nous sommes ancrés dans un monde ou l’effet d’annonce à plus de valeur que la qualité de l’histoire. Nous sommes comme aveuglés par la quantité au détriment de la qualité.

De plus en plus vite, les annonces vont de plus en plus vite et plus personne ne prête attention à l’historique des événements. Tout ça vous grignotant petit à petit un peu de votre temps. Ne vous y trompez pas, cet article en fait également parti. C’est qu’il faut avoir un peu de volonté pour s’insurger contre ce fonctionnement.

La plupart des gens cherchent comment faire ? Comment en arriver à consommer le moins possible. Très peu sont ceux qui cherchent un pourquoi. Inévitablement, il faut un peu d’entraînement pour arriver à saisir certaines choses. Avoir un peu de curiosité par rapport à votre sensibilité est un plus, car d’une manière générale, cela vous amène à comprendre des choses qui vous apportent du bonheur.

Un pas après l’autre.

Les outils classiques du BET thermique

Lorsque j’ai commencé mon cursus professionnel, j’étais en stage à l’époque (en 2010). Je travaillais chez un chauffagiste installateur de pompes à chaleur en Belgique. Et croyez moi, changer de méthode, ça ne s’applique pas en un jour, surtout dans le bâtiment. Un secteur bien rodé fait d’habitudes intemporelles.

Oui mon p’ti, tu prends ta surface habitable, tu multiplies par 100, et t’obtiens la puissance de ton installation.

C’est ce que me disait mon maître de stage pour une première estimation grossière.

C’est qu’avant les réglementations thermiques, c’était un peu la jungle pour certains commerçants. Quoique, ça l’est toujours pour certains anciens qui dimensionnent au doigt mouillé. Disons que d’une manière globale avant l’apparition de la norme EN 12831 en 2004. On faisait comme ça, point barre.

Finalement, ça collait pas mal, car pour l’époque, les constructions n’étaient pas isolées comme maintenant. On faisait un bilan un peu plus élaboré sur un tableur pour confirmer nos premières estimations. Le ratio diminuait peut-être un peu, je ne me souviens plus. Et puis, pour des bâtiments existants, relativement peu isolés ou pas du tout, ce chiffre a longtemps été utilisé.

Un bilan thermique, la norme EN12831

Cette norme (12831) à placé un cadre sur le dimensionnement plus juste des puissances dans les bâtiments.

Mais voilà, les choses ont continué d’évoluer. Dimensionner une installation au plus juste revient moins chère pour le client, meilleur pour la pérennité de son installation et mieux pour l’image bureau d’étude, bref ça arrange tout le monde.

En avançant dans le temps, cette réflexion prend de plus en plus de place. Un bon dimensionnement correct de l’installation de chauffage, la plus juste et la plus équilibrée devient une obstination, pour le client, pour le BE et pour la formation de l’esprit. Tout cela dans un but de comprendre ce qu’il y a derrière.

Alors, trois réglementations thermiques plus tard, les choses se sont encore renforcées. Les déperditions sont de plus en plus limitées par les composants qui sont de moins en moins déperditifs. Les vitres comportent des traitements peu émissifs, les isolants sont plus importants. La caractérisation des composants s’affine, avec 3 chiffres après la virgule. Vous imaginez qu’il devient impossible de savoir précisément quelle puissance de chauffage prescrire sans utiliser un outil de calcul.

Tout ça rentre dans le bilan de puissance, car on se rend compte que les surfaces vitrées, les ponts thermiques et autres singularités ont des impacts non-négligeables suivant leurs surfaces, longueurs ou points singuliers… De plus, on observe qu’il y a également des apports internes à prendre en compte dans un bilan thermique.

Les pertes, de quel sujet on parle ?
bilan de pertes

Des bilans thermiques couplées à la RT

Une étude thermique est donc comme une grosse base de données permettant de faire certaines opérations.

Évidement, on étudie des choses du monde réel, des projets qui seront construit plus tard. Alors forcément, on essaie de coller le plus possible à la réalité. D’avoir les mêmes dimensions, le même profilé de fenêtre, etc… Les règles sont à quelque chose près, très similaires pour la saisie des ouvrages que ce soit pour un calcul RT, le dimensionnement de chauffage, de clim… Vous voyez donc apparaître des passerelles logiciels permettant de dimensionner les installations sur les logiciels RT, où l’inverse. Et de naviguer entre ces outils pour aller de plus en plus vite.

Mais il faut bien comprendre que ce sont deux choses différentes. Le calcul RT réglementaire estime la consommation en énergie primaire. Alors que le dimensionnement de l’installation de chauffage fait intervenir d’autres calculs, mis à part la géométrie du système étudié, ils n’ont rien à voir entre eux.

Décomposition des résultats réglementaires
bilan d'un bio et d'un CEP

Des résultats de ce genre ne sont pas vraiment explicites, ni très détaillés, ils ne vous disent pas sur quel levier intervenir pour rester conforme ou pour diminuer vos consommations. Il s’agit là de respecter la loi.

Pourtant, une fois qu’on a saisi un modèle numérique, il est tout à fait possible de lancer d’autres méthodes. C’est là qu’intervient la simulation dynamique.

Des études de sensibilités

Cela fait plus de vingt ans que cela existe, mais on commence à peine à maîtriser la transmission des résultats d’une simulation thermique dynamique. Bien sûr, vous trouverez tout un tas de BET qui peuvent vous proposer des études STD et vous transmettre un rapport bien compliqué à déchiffrer.

Mais je reste persuadé que sans interprétation de la personne chargée de faire les simulations, vous n’apprendrez pas grand-chose. Parcourir un document figé de 50 pages vous permettra d’avoir quelques orientations, mais bien loin de l’ensemble des possibilités que vous offre cet outil. Lorsqu’on bouge un paramètre dans une étude STD, l’ensemble des résultats évoluent. Cela vous permet simplement de vous imprégner de telle ou telle variation comportementale ou systémique, rien d’autre.

À l’origine, cet outil a été conçu pour vérifier et comprendre le comportement des surchauffes des bâtiments. Il a été testé et instrumenté dans tous les sens pour renforcer son fonctionnement.

Elle est un peu la pièce maîtresse d’un procédé d’évaluation thermique de notre environnement. Le Graal du thermicien. Un élément de compréhension du toit que nous avons au-dessus de notre tête.

À la manière d’un outil de dessin ou de CAO, il vous faut un paquet de temps pour arriver à maîtriser un engin de ce genre. Et il n’existe pas de règle régissant un outil de calcul dynamique seulement des principes physiques.

Une formation pour la vie

bilan barograph
Barographe

Il existe bien sûr quelques formation pour s’initier. Il s’agit seulement d’un ensemble de calculs mathématiques permettant d’estimer au plus fin le comportement des locaux dans le temps.

Mais lorsque vous démarrer un travail, si vous ne savez pas par ou commencer, alors vous pouvez y passer beaucoup de temps. Si vous savez où chercher alors vous serez plus efficace et vous irez droit ou vous souhaitez aller. Et forcément, il faut réduire le nombre et le temps de calcul, c’est ce qu’on nous apprend à l’école.

La simulation dynamique permet donc de s’imprégner du comportement du bâtiment. De valider si tel principe est mieux qu’un autre et de le traduire en langage compréhensible. Elle sert juste à composer avec les ordres de grandeur en vous orientant vers quel matériel ou quel fonctionnement serait le plus pertinent dans votre projet.

Mais Vincent, combien je vais consommer alors ? C’est quand même pour ça que je vous paie non !

C’est juste qu’en découvrant les possibilités de cet outil de calcul, vous pouvez vous perdre devant toutes les combinaisons possibles et imaginables. Forcément, si vous changez un seul curseur, l’ensemble des résultats évoluent. Alors répondre à cette question ouverte ne s’approche pas comme ça. Ça dépend forcément de vous.

Et comment se prendre les pieds dans le tapis

Un outil de ce genre n’a pas vocation à estimer finement les consommations énergétiques, puisque ce n’est pas pour ça qu’il a été conçu. Où bien alors c’est que vous êtes allé trop loin dans votre démarche.

Nous ne sommes pas magiciens et nous ne pouvons pas voir dans une boule de cristal !

Sauf pour un petit détail, les réglementations fonctionnent comme ça de manière totalement rationnelle : cela depuis 50 an ! Oui, vous aurez une maison conforme RT 2012 avec une consommation inférieure où égale à 50 kWh/m².an. C’est dans la loi !

Oui, vous aurez une maison passive avec un besoin énergétique inférieure à 15 kWh/m².an

Pourtant, lorsqu’on en arrive là, la moindre variation de sensibilité d’un bâtiment isolé à de grandes conséquences sur les consommations énergétiques. Autrement dit, plus votre construction est étanche et isolée, plus le moindre petit degré sur la consigne de chauffage aura un énorme impact sur les consommations. Et au ratio vous risquez de tomber dans le piège des extrapolations de la simulation. Voir d’annoncer à vos clients des chiffres que vous ne pouvez pas tenir.

Aveuglé par cet outil fabuleux qu’est la conception énergétique par STD, nombreux sont les bureaux d’études qui cherchent en vain à maîtriser, voir à garantir la consommation énergétique future d’un bâtiment isolé. Cela, car on raisonne de cette manière déterministe et rationnelle depuis bien longtemps, trop longtemps.

Alors, si vous pensez trouver un bureau d’étude qui pense qu’il va pouvoir prévoir avec précision les moindres consommations énergétiques, méfiez vous de ces arguments.

On fait le bilan

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