Obnubilé par la température

La température, bouc émissaire climatique

Température du bout du doigt

L’énergie est une notion qui demande de la réflexion. Une ambiance ne peut pas être réduite juste à quelques vagues interprétations de température intérieure. Comme on entend souvent en ce moment, il est recommandé dans les différents locaux une température de 19°C. L’Ademe préconise ça, les journaux préconisent ça, les politiques préconisent ça. Lorsque j’interroge des clients au sujet de la température, ils mentionnent également ce chiffre de 19 ou 20°C.

Mais d’où vient cette valeur ? Pourquoi la température fait tant parler d’elle ? Elle ne demande qu’à être mesurée, or, selon la typologie de votre capteur, vous aurez probablement différentes mesures. Ceux-ci possèdent également une certaine précision sur la mesure. Selon la position de votre capteur dans la pièce, vous aurez aussi différents résultats. Pourquoi une seule prise d’information dans un local ne permet pas de résumer l’ensemble de l’évolution d’un bâtiment. Et si vous n’avez pas l’utilité d’une pièce, est-ce qu’il vous viendrait à l’idée de mesurer la température juste pour connaître son comportement ?

Avec des conditions

Dans chaque bâtiment, vous pouvez trouver un local qui ne possède pas d’émetteur de chaleur (un WC, un cellier, voir même un garage). En période de chauffe, il sera toujours à une température inférieure à l’ambiance du bâtiment. C’est ce qu’on appelle d’ailleurs des locaux non-chauffé. Ils peuvent d’ailleurs être situés dans l’espace chauffé ou à l’extérieur de l’espace chauffé. Mais on reviendra certainement sur cette notion dans un autre article.

La température qu’il fait dans un local est effectivement le point de départ d’une réflexion sur l’énergie dans les bâtiments. Ce chiffre vient de la réglementation thermique, en étudiant les choses elle fixe des hypothèses. D’ailleurs, en RT2000, cette consigne était fixé à 18°C dans les logements !

Mais ce qui compte toujours dans un bilan thermique, c’est la différence qu’il y a entre ce que l’on compare et ce que l’on souhaite. Estimer un gain énergétique en se basant sur une seule température n’est pas vraiment le bon raisonnement. Si le delta T est nul, c’est qu’il y a aucun écart. De même, la différence entre un état initial et un état projet identique ne permet pas de comparer clairement les choses. S’il n’y a pas d’évolution, il n’y a tout simplement aucune amélioration.

Calcul de la température

Ainsi, annoncer un chiffre sans exposer les conditions, n’a pas grand intérêt, si ce n’est que ça embrouille l’auditoire. Par exemple, une ambiance intérieure dans un local situé à Marseille, n’aura pas forcément la même valeur de confort que le même local situé à Strasbourg ou à Marrakech. Il faut connaître l’écart notamment par rapport au climat extérieur pour pouvoir caractériser correctement, un peu comme une différence de potentiel. En ce qui nous concerne dans les bâtiments, il s’agit d’une évolution quotidienne avec des redondances périodiques.

Puis d’autres contraintes

On peut aussi évoquer qu’il manque bien d’autres paramètres comme le degré d’humidité, la vitesse du vent, la couverture nuageuse ou le nombre d’heures d’ensoleillement, etc… Sans caractérisation précise du local dans lequel on se trouve, sans l’évaluation des réactions provoqués par les composants qui interagissent (les parois froides, les éléments chauffants), il manque beaucoup de chose pour savoir que l’on parle du même 19°C. La typologie des revêtements intérieurs, la performance des vitrages, l’âge de l’isolant, etc…

Comment s’y retrouver dans ce mélange hétérogène ?

Curseur de temperature

Plus on est performant, plus les écarts sont importants par rapport à l’idée qu’on s’était faite de ce que l’on souhaitait.

Par exemple, vous pouvez poser la question du l’évolution thermique d’un local. Vous installez donc un thermocouple et par malheur vous retrouvez des écarts par rapport au fonctionnement que vous pensiez bien réglé. Alors, vous pouvez vous interroger sur la robustesse de l’installation. Est-ce que c’est le système qui régule mal, est ce que c’est le capteur qui est trop précis ? C’est tout à fait justifié puisque cela ne réalise pas ce que vous souhaitez. Mais ce n’est qu’en mettant en relation les différentes conditions d’utilisation du local, des systèmes et du vivant que vous pouvez interpréter un tout.

Et s’il y a une incohérence quelque part, peut-être vous pouvez penser que l’interprétation manque de rigueur voir d’analyse. Vous pouvez alors remarquer que la précision d’un capteur ne joue pas forcément sur le bon fonctionnement du système, mais sur un problème plus grand. Cela dit en passant, un problème qui vous demandera certainement d’autres ressources…

Enfin des constantes

graphique de température

“Est-ce que mon réduit nocturne est bien réglé ?”

Ça dépend, tu réduit de combien, et tu fais ça pendant combien de temps ? Tu fais ça toute l’année ? Car tu sais qu’en mi saison, ça peux évoluer ?

“De toute façon, moi je ne chauffe pas à plus de 20°C.”

A bon ? tout le temps ? Bon, alors de quelle heure à quel heure ? Ça veux dire quoi pour toi 20°C ?

Pour chaque personne, il y a une interprétation différente de ce qu’est le confort. Non, il ne peux pas y avoir de généralité. Si vous souhaitez que l’on fasse quelques simulations, on peux regarder quel sera l’impact de cette modification, ou de ce paramètre. Mais sachez que ça pourrait alimenter des débats sans fin.

Alors l’humain dans tout ça ?

Vous ne pouvez pas vous contentez d’un simple 19°C. Cela vaut pour les capteurs de température, mais cela vaut pour la performance énergétique d’un bâtiment. Plus la performance est élevée sur le plan de la réduction des consommations d’hiver, plus l’écart à la température de consigne devient préjudiciable par rapport à ce qu’on avait annoncé. Autrement dit, dans un bâtiment de compétition, le moindre degré en plus ou en moins provoque toute suite d’importants écarts par rapport à ce qui était prévue.

C’est bien du confort thermique que l’on parle avec la température, vous pouvez tourner le problème dans toutes les directions. Si la solution ne serai pas adapté à votre cas précis, c’est peut-être qu’il n’a pas été caractérisé correctement. Or, puisqu’il s’agit juste un problème de chaleur, ça peut se quantifier.

Lorsqu’on parle de sobriété, la température ne peut pas être édictée par une autre instance que le gestionnaire d’un bâtiment ou d’un local, lui seul sait comment évoluent les réactions (en théorie). Il sait comment travailler avec les contrastes. Cependant, étant donné que se tenir debout permet d’augmenter la température corporelle d’environ 0,4 met (l’unité du métabolisme), cela correspond à une réduction de 3 à 4°C dans le local ! C’est considérable. Mais qui imposerait à quelqu’un de se tenir debout, notre sujet de chaleur se transforme en problème d’information/conscience.

C’est pour ça que lorsqu’on évoque ce terme de sobriété, il doit forcément y avoir un raisonnement d’évolution et de frugalité, non de stigmatisation.

Petite expérience pour résumé

Placez-vous en extérieur devant un feu en hiver par un temps froid.

Restez 20 minutes à vous faire griller la face A.

Vous êtes bien. Au chaud. Rapprochez-vous si vous avez froid.

Vos yeux se portent sur les flammes.

Vous sentez le rayonnement de la source qui se propage.

Prenez vos mains gorgées de chaleur.

Venez les poser sur cette face B qui se trouvait alors exposée au froid.

Voyez les réactions, retrouvez l’apaisement à travers le contraste.

Vous pouvez maintenant retenter avec la face B.

Désolé pour les végés !

Économiser de l’énergie pour passer l’hiver ne doit pas relever d’une autorité, si vous voulez produire l’effet contraire, il n’y a qu’un pas.

Une mesure, ça doit nous permettre de comprendre des évolutions et de faire des ajustements. Mesurer en permanence n’a je pense pas grand intérêt. Mais nous en reparlerons…

Quelques sources :

https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/la-regle-c-est-de-se-chauffer-a-19-0c-qui-a-fixe-ce-maximum-et-pourquoi

https://www.cairn.info/revue-flux-2020-3-page-102.htm

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000023983208/LEGISCTA000031748163/#LEGISCTA000031748163

L’ouvrage de Lisa Heschong

https://topophile.net/savoir/architecture-et-volupte-thermique-de-lisa-heschong/

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