Exprimer un point de vue
Quand on construit un bâtiment, il y a une équipe ; des corps de métiers diversifiés qui interviennent sur le même projet, dans des domaines opposés, dans des temporalités différentes. De l’idée du maître d’ouvrage, à sa matérialisation par l’architecte, en passant par l’artisan le plus exigeant, le temps d’un chantier fait s’entremêler de nombreuses compétences. Forcément, elles ne sont pas de la même nature, il y a des personnalités différentes. Néanmoins, cela permet d’expérimenter ensemble des moments de vie.
Il n’y a pas de chantier identique, on le voit très bien de l’extérieur. Les maisons sont toutes différentes, des traditions, des matériaux, des ouvertures, des orientations, des couleurs… De la même manière que la personnalité du foyer, la façon dont nous construisons nos bâtiments nous ressemble ; contrastés par la singularité. C’est ce qui nous rend unique. Bâtir un abri pour sa famille ou pour ses proches, c’est le projet d’une vie. Nos ouvrages ne sont que le reflet de nos situations. Bien souvent, l’originalité des cas de figure rencontrés permet de trouver des solutions simples et efficaces.
En général, lorsqu’on souhaite se forger un avis sur un élément particulier, ce que l’on recherche, ce sont des comparaisons. Le fait de tester certes, c’est un plus. En fin de compte, on cherche que ça apporte les meilleurs avantages tout en réduisant la proportion des contraintes. Car il y en aura toujours, dans l’énergie, ce n’est qu’une histoire de compromis. Néanmoins, dans la construction d’un bâtiment, on ne fait pas de test. Aucun prototype n’est érigé avant la construction finale pour se dire que oui, c’est comme ça que je le veux.
Alors, on compare, on va plus loin dans l’investigation, dans le fonctionnement de nos édifices. Dans cette recherche, la caractérisation de certaines ambiances nous conduit à apprendre de l’expérience des autres. Certaines connaissances pratiques qui permettent de bien gérer un bâtiment sont effectivement très simples à mettre en œuvre. C’est même tout l’opposé de la théorie et des calculs compliqués, car ça commence par bien poser les choses. Néanmoins, ce n’est pas un prétexte pour faire l’impasse sur l’un ou l’autre. Ils sont complémentaires.
La gestion estivale et la réglementation thermique…
Dans les réglementations thermiques, les volets sont considérés comme des protections solaires en été, mais également comme des résistances thermiques supplémentaires en hiver (voir la méthode de calcul).
J’ai effectué récemment un calcul réglementaire sur un projet de maison individuelle ossature bois situé en nord Bretagne. Le simple ajout de volet permettait un gain de 13% sur ce coefficient BBio, je n’en revenais pas ! Comme tout raisonnement, cette comparaison réglementaire portée sur un seul projet n’est pas exhaustif, on ne peut pas juger de la pertinence d’une solution sur un projet. Mais, pour ceux qui manipulent les coefficients réglementaires, ce gain est tout simplement considérable. Et ça permet d’en faire un article.
Alléluia ! Sans le respect du coefficient Bbio, impossible de sortir ce fameux XML permettant d’obtenir une attestation de prise en compte de la réglementation thermique sur le site du ministère. Rappelons qu’elle est obligatoire pour déposer un permis de construire. Si vous avez ce papier, vous êtes soit disant conforme vis-à-vis de la loi. Le projet peut tout à fait évoluer, néanmoins, cela reste correct pour les gens qui examinent les pièces administratives. Vous pouvez tout à fait déposer votre projet en mairie, de ce point de vue, rien ne pourra vous être reproché.
Seulement, lorsqu’il y a une seule contrainte à respecter (comme un coefficient Bbio), on peut simplement se dire que c’est bon, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. Que notre construction sera la plus performante vis-à-vis des normes en vigueurs.
Les coefficients réglementaires restent conformes, tous les indicateurs sont au vert, Super ! Le Bbio, la DH (nouveau paramètre de la RE2020 remplaçant la TIC), cela même sans protections solaires, tien donc…
Aucune réglementation ne vous dit quoi faire
Si l’objectif de mon client est de vivre correctement dans un bâtiment confortable. Alors, lui apporter un papier lui indiquant qu’il est conforme n’a rien de satisfaisant. Il n’apprend rien. Savoir qu’il possède des protections à ses fenêtres, ne lui sert pas forcément à grand chose, même si la réglementation le demande. Il n’a aucune valeur à retirer de cette histoire, si ce n’est, qu’il y aura un coût supplémentaire pour l’achat et la mise en œuvre de volets sur son projet. Ce n’est pas parce qu’on possède certaines choses qu’on sait s’en servir correctement.
Les connaissances sont utiles uniquement si elles sont correctement échangées et accordées. Elles remettent du sens dans la conception. Et cela doit bien sûr être discuté avec l’ensemble des intervenants et surtout l’utilisateur final, ultime, car c’est finalement pour lui que l’on travail.
La quantité d’énergie transmise par le rayonnement solaire est non perceptible, transparente. C’est elle-même qui nous sert à voir les choses quand il fait jour. On ne fait pas forcément attention à la quantité d’éclairage que transmet le soleil à l’intérieur des locaux (diffus ou direct). Et pour quelqu’un qui n’a aucune notion d’énergétique, faire le lien entre la température d’une pièce et la quantité de lumière qui passe à travers une fenêtre n’a probablement aucun rapport. Il n’y a rien de trivial dans un bilan thermique. Ça l’est peut-être un peu moins lorsqu’on évoque les saisons (chaudes/froides).
L’expertise, d’un seul regard vous expose les problèmes
Quiconque possède la connaissance des phénomènes de transferts énergétiques, sait comment se comporte les bâtiments dans ces cas précis. Encore faut-il avoir un regard critique sur ce que 28°C signifie pour un local, un séjour, une chambre… Et par rapport à quoi, car dans nos régions, les températures sont plutôt douces.
Il ne s’agit pas d’être clivant, pourtant le problème est souvent résolu lorsqu’il n’y a personne dans le local en question. En disant ça, je ne fais aucun calcul, et cette solution ne coûte absolument rien, si ce n’est qu’une attention particulière de la part de l’interlocuteur.
Car c’est en général lorsque le projet est construit qu’il est possible de constater :
« Ah ! Oui, il fait chaud ! »
Dans certains cas, je sais pertinemment qu’il y aura des problèmes. Que dans quelques années, je risque de recevoir un petit message qui me dira que ses locaux ont tendance à monter en température et qu’il ne sait pas comment gérer cela. Dans ce cas, il sera nécessaire d’analyser à nouveau. Impossible de faire autrement, dans la construction, certaines configurations pouvant évoluer entre temps.
Pourquoi n’a-t-on rien fait en phase de conception ?
Non, on ne pourra pas vous dire que nous n’avons rien fait, nous avons fait rajouté des volets en phase de conception. Or, le fait d’isoler les bâtiments augmente la sensibilité des locaux aux fortes élévations de température. Il s’agit un problème différent de celui de la saison froide. Et ce n’est pas qu’une question de conception puisque la manière d’agir sur un bâtiment isolé est liée à l’utilisation. Il faut donc savoir ou placer le curseur.
Savoir ou agir
Cela me rappelle un cas de surchauffe avéré sur un bâtiment que j’ai visité il y a quelques années. Une crèche présentait de fortes chaleurs en périodes estivales. Elle possédait un toit entièrement composé de polycarbonate avec des petits brise-soleil intégrés.
Hélas, les brise-soleil intégrés au polycarbonate étant trop petit, ils ne font pas du tout leur travail correctement. Tout simplement, car la surface protégée n’est pas en adéquation avec la surface de vitrage. Il s’agit d’un ratio ou les protections solaires ne sont sans doute pas correctement pris en compte dans les estimations.
Certains jours, l’équipe de gestion n’a pas trouvé d’autres solutions que de condamner l’espace, car une température intérieure de 40°C était ingérable. Aucun artifice n’a été prévu pour gérer ce genre de situation. Et ce genre de cas n’est certainement pas isolé.
Le coefficient de présence serait-il donc le meilleur indicateur pour prévenir des problèmes de surchauffe. Mais quid de notre intelligence, nous possédons pourtant des outils pour prévenir de ce genre de situations. C’est quand même dommage de construire des bâtiments pour ne pas pouvoir les utiliser.
Revenons à notre projet et à leurs protections solaires vis à vis de la réglementation. Que se passe-t-il donc ?
Il s’agit juste d’obtenir un nombre de points inférieur à un maximum, le nombre de points se décompose en 3 blocs (chauffage, éclairage, rafraîchissement). En grattant un peu, on ne trouve rien d’autres que des algorithmes. Mais comment réduire ses postes ? Les exigences liées au permis de construire ne vous indiquent pas quel paramètre peut-être négociable. Pour diminuer les besoins en chaleur ou en rafraîchissement, c’est là qu’il faut de la connaissance.
Avec cette exigence de Bbio respectée, rien ne dis comment gérer correctement ces protections. Rien ne dis pourquoi il faut gérer des protections. Aucune alerte ne mentionne, si vous ne faites pas ça, attention, vous aurez des surchauffes dans vos locaux !
Comment intervenir
Pour moi concepteur, ajouter des protections solaires sur les parois vitrées tombe sous le sens. Et je ferais un piètre thermicien si je n’évoquais pas ces éléments. Mais désormais, je prends mes précautions pour que mes clients soit informés convenablement. Les problèmes que l’on rencontre dans les bâtiments d’aujourd’hui, ne sont pas du tout les mêmes que ceux qu’on pouvait trouver il y a encore quinze ou vingt ans. Il faut savoir s’adapter comme on dit.
Quand nous possédons un modèle numérique pour réaliser des calculs réglementaires, il ne reste pas grand-chose à faire pour basculer dans la simulation dynamique. C’est pourtant le seul outil permettant de déterminer avec une relative précision, le comportement des locaux dans le temps. De voir ce qui se passe dans ce genre de situation et d’étudier ou d’expliquer un fonctionnement, comme celui des protections.
Une fois construit, le projet continu d’évoluer avec les interactions qu’il engendre. Et donc, si on ne fait rien ou si on ne se sert pas des volets, voici un aperçu des températures résultantes retrouvés par STD dans la principale pièce à vivre de cette maison. Ainsi que la comparaison vis-à-vis de la météo extérieure.
Lorsqu’une surchauffe survient, il est souvent trop tard pour agir, c’est une question de résonance vis-à-vis des réactions qu’un local peut générer (il faut intervenir quelques heures auparavant). Si vous comprenez comment se comporte vos locaux, il s’agirait de posséder les bons réflexes.
Estimation d’un contraste sur STD
Comment faire pour bien se protéger des surchauffes estivales dans un bâtiment isolé, réactif et relativement vitré ?
Sur le graphique ci-dessus, nous voyons que la pente de la courbe rouge grimpe très vite le matin à partir de 8/9h jusqu’à 14/15h. Elle est directement en lien avec l’élévation de la température extérieure : c’est un fait, le matin, la température monte. C’est précisément sur ces horaires qu’il faut se barricader du rayonnement solaire.
Il ne s’agit pas d’avoir des volets pour faire joli. Mais d’estimer la conséquence d’un paramètre indépendant de la volonté du concepteur. Et celui-ci aurai des conséquences drastiques sur le confort que l’on peut retrouver dans un local.
Pour se faire une idée de l’ambiance que nous allons obtenir avec une gestion des protections. Nous procédons à un nouveau calcul par le logiciel en modifiant un seul paramètre. Nous ajoutons des scénarios de fonctionnement permettant la mise en place des volets principalement sur ces plages horaires.
Oui, il est tout à fait possible d’ajouter des notions a priori abstraites pour comparer. Ce sont des outils conçus pour ça et ça ne coute pas plus chère. Nous avons donc placé un scénario d’occultation à 50% sur la fenêtre (les volets ne sont descendus qu’à la moitié, valeur encore arbitraire).
Analyses et observations
Comme il s’agit de comparer des situations, nous nous retrouvons donc avec une nouvelle courbe de température (jaune) que nous ajoutons à notre graphique précédent. Nous remarquons très vite que la pente de la courbe générée le matin est nettement plus faible que celle sans volet (rouge). La tendance de l’augmentation de température du local est donc relativement moindre.
Bien qu’il soit quasiment impossible d’avoir cette rigueur métronomique dans la vraie vie, nous pouvons tout de même affirmer que si les volets sont baissés au moins à 50%, le matin jusqu’à 14h, alors le risque de surchauffe est quasiment éradiqué ou au moins drastiquement diminué. Nous nous situerons entre la courbe rouge et la jaune. Et si la gestion par l’utilisateur concorde avec notre scénario. Alors, la tendance se rapprochera de la courbe jaune. Il ne s’agit pas d’être plus précis que ça.
Simplement, il faut être présent, même si vous avez par exemple une commande automatique à distance de vos protections avec votre téléphone, cela ne fonctionne pas sans un avis de votre part. Cela par rapport à l’ambiance que vous souhaitez retrouver dans votre séjour en rentrant du boulot en fin d’après-midi.
Que penser de cette solution ?
L’inconvénient d’une protection solaire de ce type (volet roulant), c’est l’accès à la lumière naturelle. En effet, nous avons résolu le problème de chaleur au détriment de l’accès à la lumière du jour. Donc la question de vivre dans l’obscurité se pose ici. Pour pallier cet effet, il existe des brise-soleil orientables. Le but est de laisser l’accès à l’éclairage naturel diffus tout en protégeant de l’éclairage direct.